Famille Maximoff en 1924
Lolia (Grigor Maximoff), Serga , Matéo-1924,
(Ornano studio)
Matéo a 14 ans lorsque son père meurt. Désormais orphelin et en tant qu’aîné, il endosse le rôle de chef de famille. « Dès ce jour là, il n’était plus un enfant, mais un homme, un Rom. »
Orphelin à 14 ans
En 1935, Matéo est marié à Moraïka mais au bout de quelques mois, celle-ci retourne chez ses parents avec leur fils Bourtia. Comble de malheur, Matéo se brouille avec son cousin Kolia et pour oublier cette série noire, il part du côté d’Agen rejoindre sa famille maternelle manouche. Il trouve le réconfort auprès de sa grand-mère maternelle Mimi Metbach.
Change cette pièce d'or et va chez tes parents maternels
Le drame se déroule dans la région d’Issoire, à Charbonnier-les-Mines. Une bagarre s’engage entre deux familles et trois personnes sont tuées parmi les oncles et tantes de Matéo. Bien que sans arme, Matéo qui a pris part à la rixe se retrouve en prison pendant quatre mois avant que son avocat n’obtienne un non-lieu et sa libération.
– après la bataille
C’est lors de cette incarcération que le destin de Matéo prend un tour nouveau. Matéo écrit le déroulement de la bataille à la demande de son avocat Maitre Jacques Isorni qui n’est alors qu’un jeune avocat stagiaire; celui-ci admire son style et l’encourage à poursuivre. Sur des cahiers d’écolier, Matéo se plonge alors dans l’écriture de son premier récit. Il se remémore les histoires de son oncle Savka et de sa grand-mère Lutka qui ont peuplé les veillées de son enfance. « C’est l’histoire où l’on raconte que dans les temps anciens, à la naissance d’un enfant, une femme réputée sorcière, avec l’accord de la mère et en présence de l’enfant, faisait un grand feu à l’intérieur de la tente. On mettait dans une assiette, du pain et du sel avec un verre d’eau à côté. On invoquait les anges. Ma grand-mère m’a dit qu’on les appelait les Ursitory. Il y avait trois anges. L’un était l’ange du bien, l’autre l’ange du mal et le troisième prenait la décision. C’est à partir de cette histoire que j’ai écrit en trente et un jours mon roman Les Ursitory ».
Comment j'ai écrit mon roman Les Ursitory
Celui qui n’a pas vécu dans une zone ignore tout de cet empire des pauvres.
Avant la seconde Guerre Mondiale, chaque grande ville avait sa zone, entre ses quartiers centraux et sa proche banlieue.
Qui habitait cette zone de misère ? Evidemment tous les malheureux du pays, et la plupart de ceux qui arrivaient d’autres pays, soit qu’ils n’aient pas possédé les moyens de se loger, soit que les ayant possédés ils n’aient pas trouvé de logement. Il s’agissait là effectivement d’un empire qui était essentiellement celui des Roms que les autres appelaient Tziganes, Romanichels, Bohémiens, etc.
Une des zones les plus importantes d’Europe était celle qui ceinturait Paris. Elle commençait à la porte d’Asnières et, par les portes de Clignancourt, de la Villette, de Pantin, des Lilas, de Bagnolet, de Montreuil, de Choisy et d’Italie, allait jusqu’à la porte de Gentilly.
Une sorte de ceinture donc, entre Paris et sa proche banlieue, tenue écartée de la capitale par les casernes, les « fortifs » et la Petite Ceinture, cette ligne de chemin de fer qui faisait le tour de la capitale. Les boulevards périphériques n’avaient pas encore été construits.
La zone avait ses rues, ses passages, ses salles de café où l’on dansait le samedi soir au son d’un orchestre parfois de bonne qualité. Après chaque danse, on devait payer. Le maître des lieux se mettait au milieu de la salle et ordonnait à haute voix :
Passez la monnaie !
Il en coûtait en principe vingt-cinq centimes.
Il y avait un peu de tout dans la zone, même le cinéma, car les Manouches qui, l’été, faisaient du cinéma dans toute la France, revenaient régulièrement dans la zone où ils projetaient leurs films dans les salles de café, à un franc la séance. Les attractions ne manquaient pas, ni d’ailleurs les nombreuses bagarres, les assassinats. Non, rien n’y manquait… sauf la police !
La plus importante de ces zones était celle dite « de Clignancourt ». Elle allait de cette porte à la porte de Saint-Ouen et avait deux à trois kilomètres de profondeur, à l’emplacement actuel du Marché aux Puces. Elle avait sa rue principale, la rue des Rosières, et son lieu de rendez-vous, le café « Chez Malik ».
Comme le Marché existait déjà, il y avait là pendant trois jours, les samedi, dimanche et lundi, une intense activité. Tout s’achetait et se vendait, le plus souvent à la sauvette, surtout par les Roms qui travaillaient toute la semaine pour fabriquer leurs petits ustensiles en cuivre. La police, lorsqu’elle passait, fermait les yeux sur ces commerces illégaux ; elle savait que ceux qui gagnaient leur vie de cette manière au moins n’iraient pas voler, car la zone était le royaume des voleurs. Les Romnia, elles gagnaient leur vie en disant la bonne aventure. Elle se groupaient parfois par deux u trois. Elles attiraient le client ; c’était le côté pittoresque de la chose. Cela n’a pas changé. La zone n’existe plus, mais les Romnia sont toujours là.
Dîtes-le avec des pleurs, (chez l’auteur) 1990
– Taté, plus tard, je lirai ce que disent ces bonshommes.
Car Mateï copiait même les bulles des images avec les dialogues. Pour l’encourager encore, Lolia apprit à l’enfant en quelques jours les vingt-six lettres de l’alphabet. Mais après, plus rien ! Tout seul, sans l’aide de qui que ce fut, Mateï apprit à lire ce qu’il avait écrit. Mais cela n’alla pas sans inconvénient. Après la mort de sa mère, ses tantes qui étaient, elles, totalement illettrées, déchiraient ou brûlaient les calepins dans lesquels il avait écrit lorsqu’elles le voyaient lire. C’était alors le drame et les pleurs.
Mateï persévéra néanmoins. A dix ans, il apprit ce qu’était la poésie ; il en composa même, maladroitement il est vrai. Il apprenait ses poèmes par cœur avant de les déchirer, sûr qu’il était que ses tantes les brûleraient. Il écrivit aussi des histoires imaginaires qu’il racontait le soir, autour du feu, sans dire qu’elles étaient de lui.
Dîtes-le avec des pleurs, (chez l’auteur) 1990
LE RéCIT FAMILIAL
A LA CROISéE DES MONDES ROMS ET MANOUCHES
LES ANNéES
SOMBRES
JE CONTINUE A éCRIRE C’EST MA SEULE CONSOLATION
MONTRER LA VIE DES ROMS TELLE QU’ELLE EST
LE PREDICATEUR
MATéO
UN HOMME ENGAGé
UNE VIE POUR TRANSMETTRE