De retour en banlieue parisienne, à Montreuil-sous-Bois, Matéo a une obsession, clamer à la face du monde la tragédie du génocide des Tsiganes pour briser le silence qui entoure ce drame. L’écriture est devenu son moyen d’expression essentiel. Le manuscrit de son roman, « les Ursitory » est chez Flammarion. Il doit sa publication à la ténacité de maitre Isorni qui est resté en lien avec Mateo, pendant la guerre et lui a fourni le papier nécessaire à la rédaction de nombreux textes rédigés dans les camps.
«Les Ursitory» écrit en 1938, est enfin publié en 1946. Les actualités françaises consacrent un reportage filmé à la correction des épreuves à la librairie Flammarion. Les critiques sont élogieuses (New York Herald Tribune, Le Figaro Littéraire, France soir, etc.). Maximoff est souvent présenté comme le « premier écrivain tsigane », les journalistes se pressent à Montreuil pour le rencontrer et de nombreux articles, souvent illustrés par les plus grands photographes (Doisneau, Brassaï, Willy Ronis, Daettwyler) lui sont consacrés.
Jean Claude Carrière, alors adolescent, dont les parents tiennent un café à Montreuil « choisi par les Gitans pour être leur bistrot », se souvient : « quand je pense à Matéo, c’est la même image qui me revient. Il est assis par terre, assis en tailleur sur un trottoir, à Montreuil-sous-Bois sans doute au soleil, et il tape sur une machine à écrire. C’est une image inoubliable (il faut dire qu’elle nous vient de Robert Doisneau, qui fréquentait alors les banlieues proches), car l’homme assis là ne fait aucune esbroufe, ne joue aucun rôle. Simplement il s’est assis sur un trottoir et il écrit. Sa machine à écrire est ancienne, et probablement fatiguée. Son visage est sérieux et même appliqué. Il ne pose pas. Il ne soucie pas de ceux qui passent près de lui. Il est à la place de son peuple, c’est-à-dire dans un lieu de passage, et il raconte l’histoire de ce peuple (..) »
Durant cette période et jusqu’aux années 1960, Matéo ne cesse d’écrire : il publie des articles dans des revues savantes (Etudes tsiganes, Gypsy Lore Society) et des magazines où il écrit des chroniques régulières, critiques de cinéma, et articles militants .
Malgré l’ampleur de son travail et sa notoriété, la fortune n’est pas au rendez-vous et Matéo continue de vivre à Montreuil, dans une modeste baraque, parmi les Roms de sa famille. Il rencontre Tita et ils ont une petite fille Anouk, surnommée Nouka. Les reportages illustrés dans les magazines se font l’écho de ce bonheur familial
A partir des années 1960, le rythme de publication de ses romans, se ralentit pendant plusieurs années, non pas que la source d’inspiration de Matéo se soit tarie, mais Flammarion ayant refusé de publier son quatrième roman, Matéo se consacre à d’autres activités. L’écriture y tient toujours sa place sous la forme du journal qu’il rédige méthodiquement, au jour le jour, depuis le 1er octobre 1944, matrice des récits autobiographiques qu’il publiera plus tard. Converti au pentecôtisme en 1962, il s’attelle à la traduction de la bible en romani.
En 1969, Mateo opte pour un nouveau procédé d’édition ; désormais il publiera lui-même ses livres à compte d’auteur. Il inaugure cette nouvelle formule avec la publication de son roman « La septième fille » qu’il avait écrit en 1958 ; puis quinze ans plus tard, en 1984, il fait paraître « Condamné à survivre » , « La poupée de Mameliga » en 1986, « Vinguerka » en 1987, « Dites le avec des pleurs » en 1990, « Ce monde qui n’est pas le mien » en 1992, « Routes sans roulottes » en 1993, et « Les Gens du voyage » en 1995. Certains titres seront réédités ultérieurement par les éditions Wallada et de multiples traductions voient le jour au fil des années.
LES LIVRES DE MATEO MAXIMOFF
Présentés par Nouka Maximoff, conteuse.
LES URSITORY, Flammarion, écrit en 1938, paru en 1946
« Les Ursitory », paru en 1946, plusieurs années après avoir été écrit, pour cause de guerre et de pénurie de papier, est le premier roman de Matéo Maximoff. C’est l’histoire aventureuse et passionnée d’Arniko, un jeune Rom orphelin de père et dont les Ursitory – les anges du destin – ont déterminé l’avenir à la naissance. Avenir très compromis puisqu’il ne doit vivre que jusqu’à ce que la bûche qui brûle sous la tente ou sa mère Téreina vient de le mettre au monde soit entièrement consumée. Mais c’est sans compter sur la finesse et la ruse de Dunicha, la vieille sorcière, qui trouve le moyen de contrecarrer la malédiction prononcée à l’encontre de son petit-fils. Mais pour combien de temps ? La vie aventureuse, l’amour et la jalousie d’une femme trahie ne vont-ils pas amener Arniko à une perte inéluctable ? Ce roman, écrit avec la naïveté et la maladresse de la jeunesse, révèle au public un véritable talent de conteur qui ne fera que se confirmer et s’affiner tout au long de la carrière d’écrivain de Matéo Maximoff.
The Ursitory, London, Chapman &Hall, 1949
De Schikgodinnen, Leiden (Hollande), A.W. Sijthoff’s Uitgeversmij N.V, 1955
Odets makt, Stockholm, NOK, 1957
Les Ursitory, Concordia, 1988
Die Ursitory, Suisse, Unions verlag, 2001
Sudba Ursitoru, Prague, Argo, 2007
O Ursitora / Sudicky (bilingue romani/slovaque), Košice : Nadácia Dobrá rómska víla Kesaj, 2020
LE PRIX DE LA LIBERTE, Flammarion, 1955
L’action de ce roman d’aventures se situe en Roumanie, au milieu du XIXème siècle, alors que les Roms étaient encore esclaves des princes, du clergé et des seigneurs ou boyards. Le Prix de la Liberté relate un épisode de la lutte pour la liberté d’un groupe de Tsiganes suite à une série d’injustices qui ont fait d’eux des hors-la-loi. Leur chef, Isvan, est pourchassé par les soldats du Voïvode Andreï pour un crime qu’il n’a pas commis. Avec toute sa tribu, il s’enfuit dans les montagnes pour échapper à la haine meurtrière de l’infâme intendant Yon qui a juré sa mort. Les fugitifs, hommes et femmes, se battent furieusement avec leurs propres armes, allant même jusqu’à lâcher contre les soldats un meute d’ours féroces. Après de multiples péripéties pleines de rebondissements, le héros de ce récit, Isvan, finit par être réhabilité et les esclaves obtiennent leur liberté.
Der preis der freiheit, Zurich, Morgarten verlag, 1955
Le prix de la liberté, Wallâda 1996
Pretull Libertatii, Roumanie Editura AMM, 2005
SAVINA, Flammarion, 1957
C’est l’histoire d’une passion violente et tragique qui trouve son issue dans une « Kris », c’est-à-dire le jugement des anciens de la tribu. L’action se passe en Russie, au temps des Tzars, et en Europe centrale. Un soir de beuverie, deux hommes saouls dont les femmes sont enceintes, promettent, comme c’était la coutume chez les Tsiganes, de marier leurs futurs enfants, Ika et Savina. Mais, devenu adulte, Ika, le jeune promis rompt la promesse faite par son père et épouse la douce et tendre Schero. Savina, la promise, fille forte et cruelle, se sentant bafouée, voue alors une haine vengeresse à son ancien fiancé. Les deux familles se livrent des combats incessants tout en essayant de fuir la folie meurtrière des guerres qui font rage autour d’eux. La Kris qui réunira les chefs des plus grandes tribus finira par donner justice mais seule la fin tragique de la méchante Savina pourra la réhabiliter aux yeux du lecteur.
Savina, Stockholm, NOK, 1957
Savina, Bordeaux, Wallada, 1986
LA SEPTIEME FILLE, Concordia, 1982 (écrit en 1958, paru d’abord en Suisse)
Le cadre de ce récit est un camp d’internement pour Tsiganes, dans le Midi de la France, pendant la seconde guerre mondiale. Toute l’histoire se déroule en quelques jours. Une très vieille sorcière, Dharani, est sur le point de mourir. Avant de disparaître de ce monde, elle doit absolument transmettre ses pouvoirs à une autre femme. Or, selon la légende de son peuple, la septième fille d’une septième fille naît avec le don de sorcellerie. Une fillette de quatre ans, Silenka, remplit ces conditions. La vieille la choisit pour lui succéder, et, en agissant sur son subconscient, elle va s ‘efforcer de lui inculquer en quelques jours ce qu’elle-même a mis près d’une centaine d’années à comprendre. Mais les drames se succèdent. Il y a des morts et des disparitions mystérieuses. Un ancien de la tribu, Voso, lui-même un peu sorcier, en discerne l’origine. Il tente en vain de lutter contre la sorcière, de soustraire Silenka à son emprise. La sorcière mourra au bout de quelques jours et l’enfant sera rendue à sa famille. Mais, quand elle sera grande, n’aura-t-elle pas hérité des pouvoirs redoutables de Dharani ?
Die Siebente Tohter , Zurich, Flamberg Verlag, 1969
CONDAMNE A SURVIVRE « Gitan ou chrétien ? » , Concordia, 1984
Condamné par la Kris (le jugement des anciens) pour le meurtre de sa femme qu’il croyait infidèle, Khantchi doit fuir pendant plus de trente ans la mortelle vengeance de ses beaux-frères. Déporté pour avoir giflé un policier, il sera libéré sur le chemin de l’exil par les amis politiques des « Rouges ». Nous sommes dans la Russie révolutionnaire. Au cours de multiples péripéties, toujours passionnantes et souvent dramatiques, il rencontrera le Christ sauveur dans une petite assemblée évangélique. Il y reçoit le baptême. Mais c’est un nomade et il reprend la route. Son long voyage s’achèvera dans un camp de concentration de l’Allemagne nazie. C’est là qu’il retrouvera l’un de ceux qui avaient juré sa mort. Le chrétien qu’il est devenu doit-il pardonner ? ou observer encore les coutumes de sa race et tuer le menteur qui l’a tant fait souffrir ? Gitan ou chrétien ?
Verdammt zu leben. Zigeunerroman, Bern, Zytglogge, 1988
LA POUPEE DE MAMELIGA « Le livre de la peur », Concordia, 1986
Les Roms s’installent lentement autour du samovar. Les femmes portent le thé. C’est la veillée. On a tout le temps…
Autour du cercueil, les histoires se succèdent : un mort qui n’est pas vraiment mort et qu’il faut tuer à nouveau… une femme qui quitte son cercueil pour poursuivre le voleur qui lui a dérobé ses bijoux dans sa tombe… deux cadavres qui se battent jusqu’aux premières lueurs de l’aube… une tombe qui se referme sur une main ouverte… Le lecteur se laisse peu à peu entraîner dans l’univers mystérieux du « peuple de la nuit ».
La bambola de mameliga, Torino, Eurostudio, 1986
VINGUERKA « La petite fiancée », Concordia,1987
Nous sommes en Russie en 1820. L’esclavage des Tsiganes n’est pas encore aboli. Un campement de Roms appartenant tous au « Maître »du château sur les terres duquel ils vivent et travaillent en échange d’une maigre nourriture et quelques mauvais traitements. Deux enfants, Drago et Vinguerka, sont promis l’un à l’autre depuis la naissance. Vinguerka, petite danseuse leste et gracieuse, a le malheur de plaire au jeune Dimitri, fils du puissant seigneur. A partir de là se succèdent plusieurs événements dramatiques. Vinguerka est enlevée à sa famille et Drago emprisonné au fond d’un cachot humide et malsain dans lequel il devrait finir ses jours. Pour échapper à son sort, il accepte de s’engager comme mercenaire dans l’armée du Tzar, en guerre contre les tribus d’Asie et de Sibérie. Le dénouement absolument surprenant ne pourra pas laisser le lecteur indifférent.
DITES-LE AVEC DES PLEURS, Concordia, 1990
Matéo retrace, à travers ces lignes, sa vie de Tsigane nomade, depuis la rencontre de son père, Rom venu de Russie avec sa mère, Manouche de France, durant la première guerre mondiale, jusqu’à la semi-sédentarisation après la deuxième guerre, en région parisienne. Ce récit est construit autour des propres souvenirs de l’auteur et des récits de divers personnages qui ont marqué sa jeunesse. Il est parsemé de témoignages de personnes rescapées des camps de la mort.
CE MONDE QUI N’EST PAS LE MIEN, Concordia,1992
Ce roman met en scène une tribu de Roms Kaldérash qui vit en Russie au début du XIXème siècle. L’auteur nous conte les aventures d’un jeune Rom, devenu trop tôt orphelin, enlevé par des loups, sauvé par des chasseurs mongols, élevé par les moines, devenant virtuose de balalaïka, puis retrouvant sa communauté et son identité Rom. On retrouve certaines traditions : la manière de rendre la justice au sein de la Kris, le mythe de la Mamiorhi, les luttes impitoyables entre les Roms et le reste du monde, la fuite de toujours devant la police, le besoin de partir à la découverte de nouveaux horizons…
ROUTES SANS ROULOTTES, Concordia, 1993
Ce récit est totalement autobiographique. Matéo nous livre la première partie de ses « mémoires » en commençant par nous relater l’histoire de sa famille d’aussi loin qu’il ait pu remonter, c’est à dire vers 1810. Puis vient sa naissance dont même la date reste incertaine, puis sa jeunesse itinérante et tourmentée, la mort de sa mère lorsqu’il avait 8 ans puis celle de son père quelques années plus tard, les retrouvailles avec la famille manouche de sa mère. Puis survient la guerre, l’exode, les camps français d’internement pour Tsiganes et la naissance de son talent d’écrivain. Ce récit se termine avec le retour à Paris en 1944 et la publication du premier roman chez Flammarion.
LES GENS DU VOYAGE (Album 160 photos noir et blanc), Concordia, 1995
En tant que Tsigane nomade Rom Kaldérash, Matéo Maximoff a parcouru 32 pays comme romancier conférencier, mais surtout comme pasteur missionnaire de la Mission Evangélique Tsigane. Son but était surtout de rencontrer les gens de son peuple, de quelque tribu qu’ils soient, à travers le monde. Matéo n’est pas un photographe professionnel. Son principal objectif est de garder de ses nombreuses rencontres au cours de ses voyages une trace, un témoignage de la vie des Roms. Comme il est l’un d’eux et qu’il parle leur langue, les Roms lui permettent de photographier librement ; mais il ne profite pas de la situation et ne cherche pas à faire du sensationnel. Entre les années 60 et 90, il prend plus de 20 000 photos dont environ 14 000 diapositives. Il a lui-même sélectionné pour cet ouvrage 160 photos.
Autres éditions et traductions
Kon si o Jesus ? Evangile en romani, Pierrefitte : Société Biblique Française, 1981
E Rut : Tolmacisardinas. Le livre de Ruth, Ancien testament traduit en kalderash, Stockholm, EFS Forlaget, 1983
Gjilia Davidoske, Le Psalmi. Le chant de David, les Psaumes, Société Biblique Française, 1984
E nevi vastia, Le nouveau testament traduit en kalderash, Pierrefitte : Société Biblique Française, 1995
Ouvrages collectifs
Tsiganes. Otto Daettwyler und Mateo Maximoff. (Ed. Buchergilde Gutenberg , 1959)
Tsiganes : nomades mystérieux . Karl Rinderknecht , André Barthélémy , Francis Lang , Matéo Maximoff , Carl-Herman Tillhagen, (Editions Mondo , 1973)
Les Anges du destin Texte de Matéo Maximoff, photos de Claude et Marie-josé Carret (Filigranes, 1999)
Quatre contes de la « Poupée de Mameliga » traduits en islandais in : Sunnudagsmatur : og fleiri sogur romafolks , (Rekjavik, Stofnun, 2020)
– Qui lit ce bouquin ?
D’abord étonné, j’ai répondu :
– Il est à moi !
– Et vous, un gitan, vous lisez un livre d’une telle importance ?
Je lui ai répondu :
– Qu’est-ce que vous voulez dire ? Mais enfin, je suis un écrivain de métier. Enfin, je vais le devenir. Ainsi, j’aime bien lire des livres.
– Ah ! dit-il ; Caramba !
Voilà ce qu’il m’a dit avant d’ajouter :
– Viens donc chez moi ce soir après le travail !
J’avais en effet la permission de rester hors du camp jusqu’à huit heures si je le voulais puisque je travaillais.
Et en effet, après le travail, je suis allé les voir, lui et sa femme. Ils avaient aussi une petite fille. Il me montra une belle bibliothèque. Je me demandais comment un Espagnol, simple ouvrier, pouvait avoir une aussi belle bibliothèque, aussi fournie que celle du maire, elle-même assez importante, avec des ouvrages sélectionnés.
Il m’a dit :
– Qu’est-ce que tu écris puisque tu as dit que tu écris ?
– Pour le moment, je n’ai rien publié ; j’ai quelques manuscrits écrits à la main.
– Est-ce-que je peux les lire ?
– Oui, bien entendu, je vous les passerai.
Mais je pouvais emprunter de ses livres à la bibliothèque.
Ce que moi je ne savais pas et dont je ne m’étais pas rendu compte, c’est que cet Espagnol était un Juif qui avait changé de nom pour pouvoir travailler. Je lui ai donc passé un de mes manuscrits, peut-être même plusieurs, je ne sais plus. Il m’a dit :
– Tu sais que tu écris comme Panaït Istrati ?
– Qui est cet auteur ? demandai-je. Je n’ai jamais entendu parler de lui.
Et il m’a passé des livres de cet auteur roumain. On m’a souvent dans ma vie renouvelé cette comparaison. C’est ainsi que j’ai fait connaissance d’une nouvelle littérature que j’ignorais jusque-là. Pour moi, la comparaison était absolument fausse puisque je ne connaissais rien de cet auteur quand j’ai commencé à écrire.
D’un autre côté, il y avait dans la ville un couple de réfugiés parisiens ; ils étaient l’un et l’autre instituteur, ils avaient entendu parler de moi à cause de mes écrits ; ils ont donc demandé à me voir et à lire ce que j’avais écrit. Ce qui a été fait, et ensuite, nous avons fait connaissance ; ainsi nous sommes devenus des amis, formant une sorte de cercle littéraire, et cela sans que je m’en rende compte moi-même. Je me perfectionnais chaque jour.
Maître Isorni est venu plaider à Auch qui est encore assez loin de Lannemezan, dans un département voisin. Il m’a écrit qu’il voulait me voir, si possible. Je lui ai bien sûr répondu que je viendrais. J’ai demandé une permission que j’ai obtenue facilement en montrant la lettre de Maître Isorni. Je suis allé là-bas, à Auch, où Maître Isorni plaidait pour une cause que j’ai oubliée.
Nous avons passé une journée ensemble, nous avons aussi déjeuné ensemble. Finalement il m’a dit :
Vos écrits me plaisent beaucoup ; je vais essayer de vous avoir un contrat avec Flammarion. Mais ne comptez pas être édité maintenant ; ce ne sera probablement qu’après la guerre. Il me faut votre autorisation, et dès que je l’aurai je pourrai vous envoyer 6 000 francs par Flammarion.
Six mille francs de l’époque, c’était une fortune pour moi qui travaillais à l’usine pour 45 francs par jours.
Il me dit encore :
– Je ne peux pas vous envoyer toute la somme à la fois, je vous enverrai 1 000 francs par mois.
C’était déjà quelque chose.
Alors il m’a beaucoup encouragé et m’a dit :
– Surtout garde bien ton style, car tu en as un bien à toi. Il y a un style Victor Hugo, il y a un style Guy de Maupassant, il y a un style Mallarmé, et il y a un style Matéo Maximoff. Eh bien, garde-le !
Malheureusement je ne crois pas que je l’ai gardé.
Routes sans roulottes
LE RéCIT FAMILIAL
A LA CROISéE DES MONDES ROMS ET MANOUCHES
LES ANNéES
SOMBRES
JE CONTINUE A éCRIRE C’EST MA SEULE CONSOLATION
MONTRER LA VIE DES ROMS TELLE QU’ELLE EST
LE PREDICATEUR
MATéO
UN HOMME ENGAGé
UNE VIE POUR TRANSMETTRE