Un homme engagé
«
Avant la guerre, trois millions de Tsiganes vivaient dans les Balkans et aujourd’hui, personne ne peut définir le nombre de survivants. Car comme les Juifs, notre race a été balayée hors d’Europe par une nation de « seigneurs » qui voulaient asservir toutes les nations qu’ils pouvaient éliminer.
Matéo Maximoff – « Germany and the Gypsies, from the Gyspy’s point of view » -Journal of the Gypsy Lore Society-1946
»
Les Roms manifestent pour obtenir réparation
auprès des Allemands pour leur internement dans les camps
– Paris-1980 – photo Matéo Maximoff
Après-guerre, Matéo met sa vocation d’écrivain au service d’une cause à laquelle il restera attaché toute sa vie : dénoncer les persécutions subies par les Tsiganes et l’extermination de 500 000 d’entre eux par les nazis et leurs complices. Cette estimation du nombre de victimes de ce génocide, énoncée en 1946 dans son article publié par la Gypsy Lore Society, fera autorité pendant des décennies. L’année précédente, le 26 avril 1945, il avait adressé une lettre au journal Le Figaro, s’étonnant du silence entourant les crimes commis envers les Roms. Sa lettre ne fut pas publiée mais elle eut des répercussions puisque quelques jours plus tard, l’article « Tsiganes et nazis » de Jérôme et Jean Tharaud paraissait dans Le Figaro daté du 12-13 mai 1945
Manifestation Paris – 1980 – photo Matéo Maximoff
Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour que le génocide des « Tsiganes » pendant la Seconde Guerre mondiale soit reconnu de manière officielle selon la résolution du Parlement européen de 2015 qui instaure une journée européenne de commémoration le 2 août, en mémoire de l’extermination massive des Roms au camp d’Auschwitz-Birkenau ; et en 2016 pour que le président de la République française établisse publiquement la responsabilité de la France dans l’internement des nomades sur son territoire de 1940 à 1946. Pourtant, pendant des années des activistes du monde romani et voyageur n’auront cessé de réclamer cette reconnaissance, comme Matéo Maximoff lui-même l’a fait. En témoignent, ses multiples participations aux manifestations et commémorations, ses prises de paroles publiques, ses démarches pour l’indemnisations des victimes.
Commémoration du génocide des Roms et Sinte au camp de concentration de Bergen – Belsen en présence de Simone Veil-novembre 1978
Ses écrits sont porteurs des traumatismes vécus pendant la guerre, à travers le parcours de sa propre famille dans ses livres «Routes sans roulottes » et « Dites-le avec des pleurs ». Dans ce dernier il recueille le témoignage d’internés et de déportés dont Paprika Galut, déportée à Auschwitz, une des rares survivante du convoi Z qui partit de Malines en Belgique, en janvier 1944.

En 1971 Matéo Maximoff participe au premier Congrès mondial rom à Londres. La mouvance pentecôtiste, à laquelle Matéo appartient, entretient des liens étroits avec les mouvements d’émancipation du peuple rom tel le CIR (Comité international rom) à l’origine de la réunion de Londres. Matéo sera présent à tous les congrès de l’Union romani internationale pour la reconnaissance culturelle et politique du peuple rom, à Genève, Göttingen, Varsovie…

Congrès Mondial Rom
Genève – 1978
photo Matéo Maximoff

En France, il s’engage auprès de l’association Études Tsiganes, et auprès du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). Il utilise sa notoriété d’écrivain pour prendre position dans les médias contre ce qu’il définit comme une citoyenneté de seconde zone, celle qui contraint les « nomades » à être porteurs d’un carnet anthropométrique puis, à partir de 1969 par des titres de circulation qui maintiennent les « gens du voyage » dans un statut discriminatoire et un système de contrôle permanent. « Ce que nous voulons c’est que les carnets de circulation que nous devons faire viser tous les trois et six mois soient remplacés par des papiers comme tout le monde » déclare-t-il en 1985. Là encore il faudra attendre 2017, pour que la loi soit abrogée.

Manifestation à Paris pour la liberté du voyage – 1982 – photo Matéo Maximoff

Lui-même sédentaire, il a toujours défendu avec force la liberté de mobilité et de circulation des Voyageurs en caravanes et leur droit à des conditions d’accueil et d’habitat, dignes de ce nom. « Lorsque nous allons quelque part, nous n’avons pas de terrain de lieux de stationnement. Dans certaines communes, on crée des camps. Mais ces camps sont entourés de barrières : ça nous rappelle beaucoup trop les camps de concentration » (Le christianisme au XXe siècle, 21 octobre 1985).

Matéo Maximoff, qui a toujours affirmé son attachement à son pays d’adoption, la France, s’est vu refuser la naturalisation à plusieurs reprises et conservera le statut d’apatride jusqu’à la fin de sa vie.

Au cours de l’année 1989, il est profondément choqué de découvrir un groupe de Roms roumains, réfugiés en France, traqués par la police et menacé d’expulsion et il entreprend des démarches auprès de la préfecture pour leur maintien sur le territoire. Il souffre et s’indigne de voir réapparaître à la fin du XXe siècle, les bidonvilles qu’il a lui-même connus dans son enfance et de constater l’indifférence des autorités publiques à ce sujet. Les violences à l’égard des Roms qui ressurgissent dans toute l’Europe le révoltent et ses interventions publiques s’en font l’écho.

LE RéCIT FAMILIAL

A LA CROISéE DES MONDES ROMS ET MANOUCHES

LES ANNéES
SOMBRES

JE CONTINUE A éCRIRE C’EST MA SEULE CONSOLATION

MONTRER LA VIE DES ROMS TELLE QU’ELLE EST

LE PREDICATEUR
MATéO

UN HOMME ENGAGé

UNE VIE POUR TRANSMETTRE