Les années sombres
«
Le camp de Gurs avait été construit à l’époque où des centaines de milliers d’Espagnol républicains avaient quitté leur pays. Et maintenant, il y avait là aussi pas mal de Juifs, ramassés sur les routes de l’exode tandis qu’ils fuyaient devant l’avance des troupes allemandes. Parvenus à l’extrême sud de la France, pas plus que les Roms, ils n’avaient pu passer en Espagne. Ainsi une fois de plus les Juifs et les Roms allaient subir le même sort.
Matéo Maximoff – Dites-le avec des pleurs

Le camp était immense et il avait été partagé en deux, une partie pour les hommes et l’autre pour les femmes et les enfants. On nous disait que c’était un camp d’accueil. En réalité, c’était bel et bien un camp de concentration

Matéo Maximoff – Routes sans roulottes
»
En juin 1940, les Maximoff sont refoulés à la frontière espagnole. Embarqués dans un camion militaire, ils sont conduits dans le camp de Gurs, à 15 km d’Orthez, dans les Pyrénées-Atlantiques, où les autorités regroupent les républicains espagnols de la « Retirada » fuyant la guerre civile qui voit la victoire des nationalistes du général Franco, Juifs étrangers, et des personnes qualifiées « d’indésirables » . Le camp de Gurs est ceinturé par une double rangée de barbelés.
Dessin graphite sur papier
de Kurt Löw et Karl Boldek,
peintres et graveurs autrichiens de Vienne,
internés au camp de Gurs, 1940

Les Roms sont libérés début août 1940. Jusqu’en avril 1941, ils survivent dans la région de Tarbes, jusqu’à ce qu’un arrêté préfectoral assigne à résidence les nomades à Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées et que la gendarmerie française se charge de leur d’arrestation. « Les gendarmes étaient venus avec des camions ; il y en avait toute une file. Dans certains, il y avait des Manouches qui avaient été ramassés un peu partout dans la région, certains même avec leurs roulottes. Et voilà que, avant midi, ils nous avaient emmenés »

Carte postale, Le plateau de Lannemezan
Le lieu d’assignation se trouve sur le plateau de Lannemezan, au pied du Pic du Midi et de la chaîne des Pyrénées, une zone déserte, battue par les vents, à plusieurs kilomètres de la ville, dénuée de toute installation sanitaire et sans électricité. Les 400 « nomades » arrêtés, selon les chiffres avancés par Matéo, doivent se débrouiller par eux-mêmes pour se construire des abris de fortune et subvenir à leurs besoins en nourriture. Les hommes obtiennent la permission de sortir pour chercher du travail et chiner quelques heures par semaine. Tous les jours, les gendarmes font l’appel, pour contrôler leur retour. Pendant les mois d’été, ils sont exposés à la chaleur et aux serpents qui pullulent sur le plateau. Lorsque l’hiver arrive, les conditions deviennent de plus en plus insupportables et Matéo rapporte la mort de plusieurs enfants. L’administration transfère les nomades dans un hôpital dont la construction a été amorcée pendant la guerre 1914-1918 et qui n’a jamais été achevé. Resté à l’abandon, l’édifice ne comporte que des murs, sans fenêtre ni toit et c’est dans ce piètre abri que l’internement de la famille de Matéo se poursuit jusqu’en 1943.
Mateo Maximoff au centre de la photo,
Lannemezan (archives Maximoff)
Au bout de 31 mois, Kolia l’oncle de Matéo parvient à trouver une maison près de Tarbes, qui devient le nouveau lieu d’assignation, d’une partie de la famille Maximoff jusqu’au débarquement des alliés, en juin 1944. Très affaibli, Matéo qui pèse alors 44 Kilos contre 75 avant-guerre, regagne la région parisienne en juillet 1944 et participe aux combats pour la libération de Montreuil.

LE RéCIT FAMILIAL

A LA CROISéE DES MONDES ROMS ET MANOUCHES

LES ANNéES
SOMBRES

JE CONTINUE A éCRIRE C’EST MA SEULE CONSOLATION

MONTRER LA VIE DES ROMS TELLE QU’ELLE EST

LE PREDICATEUR
MATéO

UN HOMME ENGAGé

UNE VIE POUR TRANSMETTRE