Depuis ses plus jeunes années, Matéo nourrit une véritable passion pour les arts visuels. Le cinéma entre très tôt dans sa vie et y tiendra toujours une place prépondérante. Dans son récit « Dites le avec des pleurs », il raconte comment en s’inspirant d’une visionneuse pathéorama, il fabrique son premier appareil de projection et bricole son premier film. En prenant « plusieurs pages d’un cahier d’écolier, il les coupa aux dimensions du film et y dessina les images d’un film qu’il avait vu en plein air, projeté par des Manouches. C’était une histoire de Tom Mix. Quand il eut pu se procurer une bobine, il l’introduisit dans son appareil. Quelle joie de voir un film qu’on a fait soi-même à six ans ! »
Saintes Maries de la mer,
années 50, photo DR
A cette époque, dès qu’il gagne quelques sous, il les dépense au cinéma. Dans son journal, il notera toute sa vie, de manière systématique, tous les films qu’il visionne. Une filmographie impressionnante et éclectique qui alimente son imaginaire et dont on peut retrouver l’influence dans la construction de ses romans.
Dans sa jeunesse, lors de son séjour dans sa famille maternelle manouche, Matéo a découvert une autre facette du cinéma, celle des projections ambulantes. « Me voici donc en voyage. Le métier de Pipia était le cinéma. Le soir nous nous arrêtions là où nous étions arrivés. Nous louions une place pour la nuit ; nous faisions faire des annonces par le garde-champêtre et le soir nous montrions un film muet. J’ai beaucoup aimé ce métier. Très vite j’ai appris à faire les projections, à réparer les vieux films, bien mieux que les autres Je suis devenu une sorte de spécialiste du cinéma. » (Matéo Maximoff-Routes sans roulottes)
Comme l’écrit l’anthropologue et cinéaste Jonathan Larcher dans « Images Re-vues » : « Les films de Matéo Maximoff constituent ainsi une formidable chronique audiovisuelle de la circulation des hommes et des femmes romanis dans le contexte de l’émergence du mouvement pentecôtiste tsigane et d’un mouvement politique international rom. »
Dans son recueil « Les Gens du voyage » Matéo tient à préciser l’éthique qui sous-tend son travail : « les Roms quels qu’ils soient, se méfient à juste titre des photographes. Mais comme je suis l’un d’eux et que je parle leur langue, ils me reçoivent et moi, je n’ai jamais profité de la situation. Exemple : je n’ai jamais photographié un enterrement parce que je connais parfaitement nos coutumes. Par contre, quelle joie de photographier des mariages ! »
Une partie de l’œuvre photographique de Matéo est souvent qualifiée d’ethnographique en tant que production méthodique d’images qui décrivent avec précision le monde romani : en premier lieu, les personnes, toutes générations confondues, leurs conditions de vie, leurs manières de se vêtir, leurs habitats, leurs métiers, leurs fêtes, leurs pratiques religieuses. Certains éléments récurrents constituent des séries : portraits, conventions évangéliques, mariages roms. Ces archives représentent une source d’informations précieuses sur près de 40 années (1960-1999) d’autant plus, qu’elles sont accompagnées de légendes détaillées établies par Matéo. (pour une partie de ce fonds, de 1963 à 1984).
– photo DR
Certaines photographies de Matéo ont fait le tour du monde et sont devenues iconiques à l’instar de celle du deuxième congrès mondial rom , à Genève en avril 1978 mais dans l’ensemble ce fonds reste encore inédit, à l’exception d’une centaine d’entre elles, publiées en 1995, dans un modeste recueil, édité en noir et blanc, sous le titre « Les Gens du voyage ».
Depuis 2014, grâce aux travaux du chercheur Antoine Le Roux, ces archives visuelles d’une grande valeur commencent à sortir de l’ombre. Déposées par Nouka Maximoff, la fille de Matéo, à la médiathèque de la Fnasat-Gens du voyage (renommée « Médiathèque Matéo Maximoff ») elles ont fait l’objet de plusieurs publications et expositions, notamment pendant la Nuit de l’année aux Rencontres de la photographie d’Arles en 2022 (cf. lien ci-dessous).
https://vimeo.com/731279923
L’année 2023 verra la réalisation d’une vaste exposition rétrospective et la publication d’une monographie.
– Diaporama
LE RéCIT FAMILIAL
A LA CROISéE DES MONDES ROMS ET MANOUCHES
LES ANNéES
SOMBRES
JE CONTINUE A éCRIRE C’EST MA SEULE CONSOLATION
MONTRER LA VIE DES ROMS TELLE QU’ELLE EST
LE PREDICATEUR
MATéO
UN HOMME ENGAGé
UNE VIE POUR TRANSMETTRE